Extrait: On voit ici comment ceux qui sont preposes pour l' education des princes doivent travailler a corriger leurs vices naissants, et a leur inspirer les vertus de leur etat. Caron. D' ou vient que tu arrives si tard ? Les hommes ne meurent-ils plus ? Avois-tu oublie les ailes de ton bonnet ou de ton chapeau ? T' es-tu amuse a derober ? Jupiter t' avoit-il envoye loin pour ses amours ? As-tu fait le Sosie ? Parle donc, si tu veux. Mercure. J'ai ete pris pour dupe; car je croyois mener dans ta barque aujourd'hui le ...
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Extrait: On voit ici comment ceux qui sont preposes pour l' education des princes doivent travailler a corriger leurs vices naissants, et a leur inspirer les vertus de leur etat. Caron. D' ou vient que tu arrives si tard ? Les hommes ne meurent-ils plus ? Avois-tu oublie les ailes de ton bonnet ou de ton chapeau ? T' es-tu amuse a derober ? Jupiter t' avoit-il envoye loin pour ses amours ? As-tu fait le Sosie ? Parle donc, si tu veux. Mercure. J'ai ete pris pour dupe; car je croyois mener dans ta barque aujourd'hui le prince Picrochole: c' eut ete une bonne prise. Caron. Quoi ! Si jeune ? Mercure. Oui, si jeune. Il se croyoit bien malade, et crioit comme s' il eut vu la mort de bien pres. Caron. He bien ! L' aurons-nous ? Mercure. Je ne me fie plus a lui; il m' a trompe trop souvent. a peine fut-il dans son lit, qu' il oublia son mal, et s' endormit. Caron. Mais ce n' etoit donc pas un vrai mal ? Mercure. C' etoit un petit mal qu' il croyoit grand. Il a donne bien des fois de telles alarmes. Je l' ai vu, avec la colique, vouloir qu' on lui otat son ventre. Une autre fois, saignant du nez, il croyoit que son ame alloit sortir dans son mouchoir. Caron. Comment ira-t-il a la guerre ? Mercure. Il la fait avec des echecs, sans mal et sans douleur; il a deja donne plus de cent batailles. Caron. Triste guerre ! Il ne nous en revient aucun mort. Mercure. J'espere pourtant que, s'il peut se defaire du badinage et de la mollesse, il fera grand fracas un jour: il a la colere et les pleurs d' Achille; il pourroit bien en avoir le courage; il est assez mutin pour lui ressembler. On dit qu'il aime les muses, qu'il a un Chiron, un Phoenix. Caron. Mais tout cela ne fait pas notre compte. Il nous faudroit plutot un jeune prince brutal, ignorant, grossier, qui meprisat les lettres, qui n' aimat que les armes, toujours pret a s' enivrer de sang, qui mit sa gloire dans les malheurs des hommes. Il rempliroit ma barque une fois par jour. Mercure. Ho ! Ho ! Il t' en faut donner de ces princ
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